Aujourd’hui, je me creuse la tête, je me demande ce qui a bien pu se passer ces quinze derniers jours dans le monde merveilleux de l’événementiel. A part travailler sur des concepts, des recommandations, deux projets et un petit film, est-ce que j’ai quelque chose à raconter ?
Je scrolle mon fil Linkedin.
Rien. Mais alors rien de rien.
J’appelle. Rien. Débordés.
Rien de révolutionnaire, en tous les cas.
Cependant, il me revient un sujet qui trottine dans ma tête depuis de nombreuses années. Un sujet que personne n’évoque spontanément. Un sujet évité comme si c’était l’enfant du Covid et de la peste noire. Un sujet évité parce que personne n’y comprend rien (moi y compris) mais au sujet duquel beaucoup de monde a sa petite idée.
Pourtant la créativité et la production d’idées sont créatrices de valeur, pour le monde de la fiction, pour le monde de l’art, pour le monde de l’Entreprise et pour toutes les agences de communication, de l’événementiel à la publicité.
Pour découvrir ce qui se cache derrière ce processus quasi magique, je fais comme beaucoup de monde, justement : j’ouvre Google et je tape « D’où viennent les idées ? » sur mon clavier. Le compteur indique 146 000 000 de résultats. Le sujet intéresse.
Je m’y reprends à trois fois pour déchiffrer les premières phrases qui sortent du moulin algorithmique : « D'abord, les impressions entrent dans la conscience avec le plus de force et de netteté, ce sont les sensations, les émotions et les passions au moment même où nous les expérimentons. Ensuite, les images affaiblies de ces impressions s'appellent les idées ou pensées. »
Malgré une quatrième lecture, je n’ai toujours rien compris.
Je passe à la suite. Philosophie magazine affirme que la créativité est une sorte de nouvelle religion, un nouveau marqueur social. Du prénom de nos enfants (je me souviens avoir passé plusieurs semaines avec ma femme pour dénicher le prénom qui ferait de notre fils la perle unique de l’Univers) aux réunions au bureau, il faut être créatif. C’est une injonction sauf que dans ce cas on a remplacé le mot créatif par disruptif (hybride entre le concept du « out of the box » et créativité) et innovation (créatif mais pour faire des choses qui servent à quelque chose). Et puis l’article s’arrête brusquement. Il faut payer pour lire la suite. Je ne suis pas radin mais je vais bien pouvoir trouver des réponses sans m’abonner à un journal que je n’ai jamais lu.
Je passe à la suite.
Deux hommes de science abordent le sujet de front. Etienne Klein, le physicien du CEA, qui a écrit un livre dont le titre est sans équivoque : « D’où viennent les idées ? » et une vidéo de Cédric Villani, mathématicien médaillé Field, qui s’intitule, elle aussi, « D’où viennent les idées ? ». Je choisis la vidéo. Dix-neuf minutes. Quand même…
Au bout d’un moment, le mathématicien constate que les « vraies bonnes idées sont fort rares, et précieuses. » Il raconte une anecdote sympa, qui me fait sourire. Paul Valéry et Albert Einstein se sont rencontré à une seule reprise. L’écrivain sort un calepin de sa poche en disant au génial physicien « j’ai toujours un carnet sur moi pour noter les bonnes idées que je n’ai pas envie de perdre. » Et Einstein lui répond qu’il n’en a pas, c’est parfaitement inutile, car des idées, il en a trop peu.
Le mathématicien poursuit en citant le Euréka d’Archimède et le marchepied de Poincaré. Il emploie cependant l’expression « alchimie mystérieuse », tout en confiant que l’on peut tout de même identifier quelques « ingrédients » nécessaires à la production d’idées. La motivation, l’émulation, le défi, l’environnement et les échanges. Il cite aussi la chance. Vraiment ?
Je vais chercher des réponses chez les neuroscientifiques. Sur le site de l’institut de Recherche du Cerveau, je peux lire : » La créativité en neuroscience est définie comme la capacité de produire quelque chose de nouveau et adapté à un contexte. » On apprend également qu’il n’y a pas une région du cerveau concernée mais deux. Le réseau du contrôle exécutif, habituellement impliqué dans le processus de contrôle cognitif, entre en interaction avec le « réseau par défaut », impliqué quant à lui dans la cognition spontanée, celle des associations d’idées. « Nous pensons que la créativité dépend à la fois de processus d’association d’idées spontanées et de la capacité d’exercer un contrôle sur ces générations spontanées, de façon à proposer des idées plus originales et plus adaptées. » explique la chercheuse de l’Inserm. Je finis par lire : Il faut préciser que les mécanismes mentaux et cérébraux impliqués dans la cognition créative, c’est à dire les opérations précises réalisées par ces différents réseaux, ne sont pas encore élucidés.
Ne me maudissez pas d’avoir tenu jusque-là, ce n’est pas ma faute si les recherches dans ce domaine sont encore loin d’avoir abouti.
Et puis j’ai un éclair. Une idée. La créativité n’est rien sans l’inspiration.
Je me jette sur le dictionnaire des citations. Il y a des artistes, des scientifiques, des hommes politiques, quand je vous dis que tout le monde a sa petite idée. Il y en a qui pensent qu’elle vient en travaillant, l’autre qu’elle est l’œuvre de Dieu, d’autres encore en plaisantent ou cherche tout bonnement le trait d’esprit. Jean Anouilh, lui, a ces mots : « L’inspiration est une farce que les poètes ont inventés pour se donner de l’importance ». L’écrivain Daniel Picouly avoue son ignorance totale du processus : « J'ouvre mon cahier à la première page blanche. Je la lisse avec la main. Je respire fort. Une longue inspiration avec le ventre. Et je vois ma main écrire... » Lui, il va carrément au théâtre. Mais ma préférée reste celle d’Adrien Verschaere : « L’inspiration est une luciole qui brille dans l’obscurité et qui s’éteint quand on la recherche. » Joliment dit mais complètement faux. Pour ma part, c’est l’inverse.
Des articles qui énumèrent les manières de s’y prendre pour la trouver, cette fameuse inspiration, et donc devenir créatif, et donc avoir des idées, sont nombreux. Il y en a un qui m’amuse. Sa méthode se décline en sept « mantras » :
- Sortez de chez vous, baladez-vous et méditez en marchant.
- Consommez de l’art et si vous êtes artistes, d’autres formes d’art que celui que vous pratiquez. Si vous êtes dans la communication, par exemple, vous pouvez vous gaver de tout.
- Laissez-vous aller : le hasard fait parfois bien les choses.
- Lancez-vous des défis : faites un truc avec une limite de temps, faites un truc en utilisant d’autres outils (si vous écrivez sur un ordinateur, prenez un cahier)
- Demandez aux autres, vos proches peuvent vous donner des idées.
- Prenez des notes sur un carnet, surtout si vous n’êtes pas Albert Einstein.
- Pratiquez régulièrement. En gros travaillez.
J’ai envie de leur demander s’il existe un traitement contre la non-inspiration, mais il faut entamer la dernière partie…
J’ai déjà pondu deux pages et j’ai bien peur d’avoir perdu les quelques lecteurs qui ont eu la curiosité ou le courage d’arriver au dernier paragraphe.
Tant pis, j’aborderai « Comment sait-on que l’on est créatif ? » une prochaine fois.
Pour ma part, je crois fermement que l’on a des idées si on a envie d’en avoir. Et l’on en a d’autant plus si l’on impose quelques contraintes à notre cerveau.
Comme un cahier des charges, par exemple.
Et ce n’est jamais une épreuve, c’est un plaisir.
Laurent Desjars
