FAIRE PLUS AVEC MOINS ?

Édito

Laurent Desjars

9/27/20256 min read

La rentrée a été dense. De nombreux appels d’offres, complexes et exigeants, de nombreux concurrents sur la même ligne de départ qui jouent des coudes et des épaules pour être le premier à l’arrivée, des questionnements et des choix terribles à faire, des décisions à prendre... Le temps est passé à l’allure d’une comète.

Le mot d’ordre de cette rentrée 2025 ? Les « budgets difficiles » pour employer un euphémisme de bonne tonalité. Et la formule « budget difficile », en phase d’appel d’offre, je la traduis par « fournir davantage pour moins ». N’y voyez rien de péjoratif, n’y décelez pas la moindre trace de dépit. Cette tendance a commencé en 2008 avec l’une des crises financières les plus violentes de l’Histoire de l’Humanité et s’est accéléré ces derniers mois, après le trou d’air de l’après JOP 2024 et une instabilité politique et géopolitique chronique qui produit un climat d’incertitude. Et l’économie ainsi que les entreprises détestent l’incertitude. Comme tout le monde, j’ai intégré ces données depuis très longtemps.

Les entreprises sont prudentes. Le bon sens, le pragmatisme les poussent à restreindre la fréquence de leurs événements. Les entreprises invitent les agences à « optimiser » le budget qu’elle met à leur disposition et les agences doivent s’adapter.

Pour emporter un appel d’offre, il ne s’agit plus d’avoir la meilleure idée, d’excellentes relations avec les organisateurs, une notoriété qui inspire la confiance, non, il faut tout cela à la fois, chaque détail compte, et il est désormais indispensable de se montrer plus malin que ses adversaires dans l’utilisation du budget.

Aujourd’hui, un budget doit être parfaitement aligné (pour utiliser un terme estampillé Chat GPT) avec la stratégie que vous avez élaborée pour l’emporter. Il ne faut jamais dépasser le budget d’un cheveu. Si un client vous annonce 100, il n’a pas 110. Il espère que vous allez proposer un projet à 90 et dégager 10 pour optimiser l’impact de son événement, pallier aux dépassements inopinés et au coût des fameuses idées de dernière minute.

Pour cela, vous, les agences, disposez d’une somme de savoir-faire et d’expériences inestimables. Vous avez de nombreux talents dans vos rangs qui peuvent se constituer en armée conquérante rapide et efficace. Vous disposez d’un carnet d’adresse de partenaires qui s’enrichit au gré des appels d’offres et des productions. Vous êtes armés pour faire face à toutes les nouvelles donnes et les nouvelles règles d’aujourd’hui et de demain...

Mais la concurrence est âpre. Il faut mener d’éprouvantes campagnes pour emporter les appels d’offres à 3, 4, 5 voire 40 compétiteurs s’il s’agit d’un référencement, avec marchés subséquents – clin d’œil à toutes celles et tous ceux qui connaissent cette terminologie juridique. Se réinventer, réinventer ou inventer tout court n’est pas si simple. Et un appel d’offres doit être un investissement et non un coup de poker ou une mise aléatoire sur un tapis de roulette.

On nous parle également de l’IAG (Intelligence Artificielle Générative) comme un levier magique de productivité. Et c’est vrai, c’en est un, mais pas tout à fait tel qu’on l’imagine, pour peu l’on ait de longs mois de pratique derrière soi. L’IAG ne prend aucune décision. Elle ne vous donnera pas de conseil. Elle ne vous suggérera pas de suivre un axe de communication ou un autre pour gagner. Toutefois, pour concevoir et rédiger une recommandation, l’IA va vous aider dans vos recherches, va défricher tous les terrains broussailleux, va vous aider à réfléchir, à brainstormer à propos de la signature ou d’un positionnement, par exemple, à rédiger des biographies d’intervenants qui sortent de l’ordinaire (il faut lui donner de bonnes consignes) ... Mais tout cela, à l’exception d’illustrations originales et percutantes, vous pouvez le faire sans l’aide de Chat GPT. Sa véritable valeur ajoutée, selon moi, réside dans ce qu’elle vous apportera en termes de gain de productivité, et donc d’économie, sur tous les postes importants d’un événement. L’IAG va vous aider à proposer plus de vidéo pour dynamiser votre plénière pour un même budget par exemple... L’IAG va permettre de faire plus avec moins ou plus avec autant.

L’IAG peut également vous accompagner sur des benchmarking prix et prestations sur les postes budgétaires importants. Lieu, traiteur, audiovisuel et technique, décoration, autant de postes pour lesquels vous pouvez vous autoriser une mise en concurrence (en fonction de votre temps de réponse, bien entendu) et des comparatifs qui peuvent être automatisés.

Le new biz est un métier à part entière. Souvent, il est mieux appréhendé par des personnes d’expérience. Des personnes extrêmement polyvalentes, qui maîtrisent une grande partie de la chaîne de valeur, de la conception à tous les moyens de production. Voir large, c’est voir loin. Voir large permet d’identifier plus facilement une économie d’échelle et c’est d’autant plus appréciable quand vous abordez une compétition. Et puis, quand vous concentrez trois compétences et qu’en réalité, vous n’en achetez qu’une et demie, vous faites 50 % de dépense en moins. Et quand vous constituez de petites équipes efficientes, vous réduisez sensiblement le coût du temps homme. Oui, la polyvalence est un sérieux avantage dans une bataille.

Bien entendu, L’IAG ne remplacera pas la créativité, la culture événementielle ou encore les audaces que vous vous permettrez auprès de vos interlocuteurs et partenaires au cours de discussions ou de négociations. Vous pouvez également vous montrer malin et audacieux dans l’exploitation d’un lieu, vous pouvez suggérer des pistes « étranges » à un traiteur, lui proposer des défis... Vous pouvez dire à un prestataire technique que vous avez une idée précise sur la manière dont vous allez vous y prendre et lui demander ce qu’il en pense, au final... Vous pouvez bluffer comme un joueur de poker.

Les pistes sont nombreuses, chaque cas est différent mais l’objectif, au bout du compte, reste le même : transférer de la valeur ajoutée sur les postes qui vous semblent déterminants pour l’emporter. Il y a un an, j’ai répondu à l’un d’entre eux pour une agence. J’avais identifié deux postes qui auraient pu faire la différence, dont une série de vidéos qui mettaient les collaboratrices et collaborateurs en valeur. Pour pouvoir proposer une dizaine de vidéos, j’avais discuté avec des consultantes pour élaborer des ateliers au meilleur coût, j’avais imaginé un seul et même déroulé en proposant des intervenants avec des niveaux de rémunération qui allaient du simple au quadruple, avec le même souci de qualité. Bref, j’avais réussi à intégrer ce poste pour dynamiser la plénière, en intégrant l’ensemble des prestations attendues. J’avais expliqué la stratégie mais le jour de la présentation, j’apprends que les vidéos sont en option de la bouche du directeur de la communication.

Pour conclure, je peux vous affirmer qu’il est possible de faire plus avec moins. En revanche, il est impossible de faire plus avec moins d’engagement, moins d’enthousiasme, moins de liens entre les équipes qui travaillent sur l’appel d’offre. On ne gagne de grandes batailles qu’avec une volonté de fer et du dialogue.

Au-delà des budgets, au-delà des idées, il faut répondre avec sincérité. Il faut répondre comme s’il s’agissait de l’appel d’offre le plus important de votre vie. Il faut montrer que vous ne souhaitez qu’une chose : travailler avec les personnes qui vous interrogent. Mais ça, ça n’a pas de prix et vous ne pouvez pas en faire l’économie.