IA CONTRE RSE : LA PERFORMANCE OU LA VERTU ?

1/10/20254 min read

L’intelligence artificielle est un cas d’école en termes de marketing. Pas de pub, pas de communication de masse, juste une petite musique tellement bien interprétée qu’elle a imposé, lentement mais sûrement, l’intelligence artificielle dans nos vies et nos méthodes de travail. En toute tranquillité.

Juste avant, il y avait eu les métavers. Flop total. Et auparavant, Second Life. Super flop total quelque peu oublié. Mais il s’agissait de gadgets, d’une espérance de Meta ou autre Google de nous vendre une vie meilleure dans un univers moche.

L’intelligence artificielle, c’est autre chose. C’est une révolution. Une vraie. Une révolution qui bouleverse déjà nos sociétés et va entrer dans l’Histoire avec un grand H.

La machine est dorénavant capable de faire mieux que nous dans bien des domaines. Mieux et plus vite. On tape un texte pour demander quelque chose et on appuie sur un bouton. Résultat quasi instantané. Ça ne va pas ? On recommence et l’IA ne proteste pas.

Une révolution.

Les entreprises y voient déjà des gains de productivité, un allègement des masses salariales, la fiabilité des process, des tâches réalisées sans état d’âme. Tout le monde se forme, assiste à des conférences, passe des heures devant son clavier pour s’entraîner à faire en sorte que la machine fasse ce que l’on veut, comme on le veut et comme on vous le demande.

Une révolution ?

Tout le monde en parle comme s’il s’agissait d’une nouvelle corne d’abondance, d’un robinet ouvert qui ne s’éteindra jamais, d’une source qui ne se tarira pas. On parle de progression, de croissance, de mettre de l’IA partout et tout le temps. Et nous n’en sommes qu’au début, nous dit-on. Cela va être exponentiel. Les gens sont émerveillés et je subodore qu’il y a un certain nombre de personnes à qui l’IA fait déjà très peur. L’IA peut-elle être meilleure que moi ? Va-t-elle finir par me remplacer ?

Nous n’en sommes pas encore là.

En revanche, attachons-nous au sens du mot « exponentiel » : Qui augmente de façon rapide et continue dans des proportions grandissantes, au-delà de tout ce qui était attendu. Et plus l’Intelligence artificielle s’approchera de l’être humain, plus les données à stocker seront importantes. Je me souviens d’une conférence de Roland Lehoucq, célèbre astrophysicien du CEA, qui évoquait de technologies extraites de films de science-fiction. Il parlait de la téléportation de Star Trek et des voitures autonomes du Cinquième Élément. Le physicien disait que tout cela était possible, en théorie, mais que le problème des données à stocker était quasiment insurmontable. Par exemple, les datacenters et tous les disques durs sur cette planète ne suffisaient pas pour stocker les informations contenues dans un corps humains. Alors imaginez cent millions de voitures autonomes en plus…

Rappelons également que le digital et l’intelligence artificielle sont déjà des ogres en matière d’électricité. D’après Connaissances des Énergies, le secteur numérique dévore la production de la France, l’Allemagne et la Belgique réunies (Tout compris, ordinateurs et portables. Sinon nous parlons tout de même de 476 Twh). La France possède un parc de centrales nucléaires à très faible émission, mais, l’Allemagne et la Belgique ont des productions beaucoup moins vertueuses en matière d’émission de gaz à effet de serre. Et je n’évoque même pas la consommation démesurée d’eau pour le refroidissement des gigantesques data centers, ni d’extractivisme pour se procurer les matières premières qui permettront de construire les infrastructures.

Et cela ne fait que commencer ? L’Agence internationale de l’énergie prévient que la demande en électricité pourrait doubler d’ici 2026.

Face à cela, ou plutôt en parallèle, la RSE s’imposait dans les entreprises. En 2015, l’ONU publiait une feuille de route regroupant dix-sept objectifs pour éradiquer la pauvreté et lutter contre le réchauffement climatique. En 2017, une loi sur le devoir de vigilance relatif aux activités des sociétés pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé et sécurité des personnes et à l’environnement. En 2019, la loi PACTE modifie le Code civil et le Code du commerce, en affirmant la nécessité pour l’ensemble des entreprises de prendre en considération les « enjeux sociaux et environnementaux de [leur] activité ». En 2024, la directive, appelée CSDDD pour Corporate sustainability due diligence directive, demande aux entreprises européennes de plus de 1000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros de se préoccuper de leur impact environnemental et social, en matière de droits humains, sur toute leur chaîne de valeur, en amont et en aval. C’est très schématique et je prends de gros raccourcis mais cela vous donne une bonne idée des évolutions concrètes en matière d’environnement.

Entre l’intelligence artificielle et les efforts à effectuer en matière d’éco-responsabilité, va-t-il y avoir une bataille ouverte ? Une bataille a-t-elle débuté entre la productivité et la durabilité ? La techno et l’éco vont-elles pouvoir cohabiter ?

Des questions se posent, indéniablement, mais les entreprises vont être confrontées à un sacré dilemme.

Ou pas.

L’avenir nous le dira. Et nous dira surtout s’il y a un, deux gagnants ou seulement des perdants.