L’EXPÉRIENCE EST-ELLE LA MARTINGALE D’UN ÉVÉNEMENT RÉUSSI ?
Édito
Laurent Desjars
11/16/20257 min read


Est-ce qu’il existe une recette pour faire le succès d’un événement ?
Une cliente m’a récemment pris à part dans son bureau, après une réunion de codir, pour me demander s’il y avait des tendances dominantes dans l’événementiel et s’il existait des martingales pour faire d’une convention un succès. L’événement sur lequel je travaillais revêtait une importance particulière pour l’entreprise et particulièrement pour elle. Elle se trouvait en effet au cœur de l’organisation, à la croisée des services, à la jonction des savoir-faire, des problématiques et des grands défis qui se présentaient à l’ensemble de la société. Tout le poids de cette convention de fusion semblait peser sur ses seules épaules. Elle semblait inquiète.
Non sans un brin de malice, je lui affirmais qu’il n’existait pas de schéma, qu’il n’y avait aucune assurance de réussite. Je lui dis simplement qu’ils avaient choisi la bonne agence. C’est tout ? C’était tout, oui, et ce fut ma réponse. Quelques mots choisis sur un ton rassurant, des mots qui n’eurent aucun effet sur la légère crispation qui déformait sa ligne de sourcils. Pas d’assurance réussite. Seulement un choix et seulement de la confiance.
Quand l’événement s’acheva et que les éloges plurent, elle ne put décrocher l’immense sourire qui égayait son visage. L’entreprise avait besoin, comme elle, d’un moment de cette intensité. L’entreprise avait besoin de ces retrouvailles, de cet échange, de ces promesses, de toute cette émotion. Elle aussi. Elle nous le dit et ne fut pas avare de mercis. Nous le savions et nous le lui avons dit. L’entreprise pouvait de nouveau foncer avec confiance vers l’avenir, gonflée d’une énergie nouvelle. Nous étions heureux d’avoir réussi avec eux et pour eux.


Il n’y a pas de recette miracle
Je ne lui avais pas fait de fausses promesses, je ne lui avais pas menti : il n’y a pas de recette miracle. Je n’en ai appliqué aucune depuis 25 ans que je fais ce métier. Pire, je n’en ai jamais eu l’idée, même après avoir conçu des centaines d’événements et d’en avoir réalisé des dizaines (et des dizaines de toutes sortes). Chaque événement, chaque opération de communication événementielle est différente de la précédente qui sera elle-même différente de la suivante et inversement. Comment appliquer des règles à une discipline qui n’a jamais été une science exacte ? C’est comme si vous mettiez les mêmes chaussures pour jouer au tennis, au football et au yoga. Ça passe, mais c’est du pur amateurisme.
Il n’y a pas de recette, pas de martingale magique, mais il y a quelques préceptes à suivre :


L’esprit d’équipe et le collectif
Tout d’abord, un événement qui séduit, un événement bien conçu, un événement réussi est avant tout le résultat d’un travail d’équipe. Le pilote est important, bien entendu, parce que c’est lui qui va choisir l’orientation, définir les contours, montrer le chemin, sélectionner une équipe et des partenaires, mais une équipe qui joue avec le même maillot, qui fonce dans le même sens, travaille de manière coordonnée, est un facteur précieux pour remporter un appel d’offre et produire un événement à succès. Et je dirais même déterminant pour donner une âme à votre événement. Ça a l’air idiot, comme ça, de le dire, ça semble tellement évident mais ce serait une erreur de ne pas le rappeler. Sans un collectif, tout devient difficile et les organisateurs comme les publics ressentent les écueils relationnels, les mauvaises ondes, les mauvaises vibrations.


Choisir un lieu : une décision centrale
Le lieu reste, quant à lui, un critère important dans la conception d’un événement. On peut présenter le concept le plus original, le plus frappant, le plus travaillé, le plus fou si le lieu déplaît à l’organisateur, le projet est aussitôt écarté. Combien de recommandations et de projets jetés à la poubelle à cause d’un mauvais choix ? Le lieu est un morceau de l’âme d’un événement.
Il est cependant possible de réduire le risque, mais là encore, il ne s’agit pas d’une science exacte. Pour les jauges importantes, nous pouvons mettre les statistiques de notre côté. Entre 800 et 5000 personnes, les lieux qui peuvent permettre l’organisation d’une convention avec un accueil confortable, une plénière et une soirée peuvent généralement se compter sur les doigts d’une seule main. En proposant plusieurs lieux, trois devraient suffire car ils ne seront évidemment pas tous disponibles, vous couvrez l’ensemble de l’offre d’une grande ville sans trop investir de temps. En revanche, les choses sont plus compliquées pour les petites jauges. L’offre devient plus large et dépend, du coup, d’un concept fort et de choix tranchés. Et plus les jauges sont petites, plus l’offre est importante, plus les choix deviennent compliqués.


L’originalité et la créativité sont nécessaires, mais pas suffisantes
Ne nous leurrons pas non plus : les idées « originales », la « créativité » sont loin d’être suffisantes pour faire l’unanimité autour d’un projet. Ce n’est pas facile de gagner la bataille de l’attention autour des problématiques d’un événement corporate, et ce n’est jamais facile de conquérir un public. D’autant plus que le public prend rarement la parole pour demander ce qui lui plairait et il est souvent caricaturé plutôt que décrit dans les briefings. Il faut de la cohérence entre les actes de l’événement, il faut de la cohérence dans ce qui va être dit et la manière dont cela va être dit, et pour cela, il faut en savoir le plus possible sur l’essence de votre audience. Il ne faut pas avoir peur de poser les bonnes questions car toutes les questions sont bonnes pour connaître les intentions de l’organisateur et les traits de caractère des publics.
Il faut une signature simple que tout le monde peut s’approprier avec une certaine fierté, il faut une élégante signature graphique qui va colorer l’expérience et habiller le concept. Il faut que votre concept puisse s’énoncer en une seule phrase. Il faut des animations agréables, accessibles à toutes et tous, même à celles et à ceux qui ne souhaitent pas participer... Il faut un traiteur talentueux qui laisse un souvenir positif dans toutes les mémoires. Un bon maître de cérémonie, de bons intervenants et d’excellents animateurs... Tout cela dessine l’identité d’un événement, mais ce n’est pas encore suffisant. Loin de là.


Le budget : une équation à multiples inconnues
Le plus important, selon moi, reste la rencontre entre les idées, les partenaires, les lieux, les personnalités, les compétences avec... le budget. Là encore, la créativité, le savoir-faire, l’enthousiasme ne suffisent pas. Pour résoudre cette difficile équation à multiples inconnues, l’expérience devient déterminante. Un concepteur qui maîtrise la scénographie, la technique, la production, qui possède un gros carnet d’adresse de prestataires, un concepteur qui peut sortir du cadre trouvera plus facilement le rapport idée-concept/ budget le plus optimal. La connaissance de l’ensemble de la chaîne de valeur est une arme redoutable pour remporter un appel d’offre. La polyvalence est un atout pour bien le produire.


L’expérience permet de « voir » un événement à 180 degrés, la polyvalence de le réaliser à 360
Oui, l’expérience et la polyvalence permettent de voir un événement à 360, de voir la « big picture » et de pouvoir éprouver en un clin d’œil vos idées au regard du budget. Combien de fois avez-vous clôturé une recommandation in extremis, la veille du rendu, en vous disant : « zut, on dépasse de 50 Keuros ? Où va-t-on les trouver ? »
Par expérience, vous ne parvenez à les trouver qu’en dénaturant l’événement. Vous tranchez dans le vif sans avoir le temps d’affûter des arguments. Vous laissez des lignes budgétaires qui ne servent plus à rien puisqu’elles sont en option et l’option n’a jamais été et ne sera jamais un argument de séduction.
Alors comment fait-on pour transformer un brief en événement et un événement en succès en respectant strictement le budget ? En écrivant cet article, j’ai essayé d’isoler quelques points qui me paraissent déterminants mais, comme vous l’avez certainement constaté, il n’y a pas de succession logique d’actions, pas de processus inscrit dans le marbre. Juste quelques préceptes à suivre, quelques atouts à mettre dans votre manche, pas mal d’intuition et de l’enthousiasme.
Et l'IA ?
Nous en reparlerons bientôt.
