L’HEURE DES CONTES

11/17/20254 min read

En événement comme dans la vie quotidienne, les gens aiment qu’on leur raconte des histoires. Des histoires qui les font rire, des histoires qui les émeuvent, des histoires qui les secouent, des histoires qui les rapprochent.

De nombreuses histoires ont jalonnées ma vie professionnelle et j’adore les histoires. J’adore que l’on m’en raconte mais j’aime aussi les raconter. J’ai fouillé ma mémoire à la recherche de quelques anecdotes qui présentent un intérêt. Parmi les dizaines et les dizaines d’événements auxquels j’ai participé, que j’ai conçus et dirigés, j’ai exhumé des dizaines de drôles d’histoires et des histoires drôles, des petites aventures et de grandes mésaventures, des personnages rocambolesques et des situations improbables.

Ce mois-ci, j’en ai choisies deux, mais vous pouvez n’en lire qu’une.

Une bonne année coup de poing

J’aurais pu oublier la première anecdote parce que je n’ai aucun souvenir d’une partie de la soirée. Elle s’est déroulée au début de ma vie de communiquant dans l’événementiel. Je ne connaissais encore rien de ce métier, tout n’était que découverte et plaisir curieux. J’étais responsable du développement d’une petite agence (qui a grandi depuis) et je venais de remporter ma première compétition. C’était pour une compagnie pétrolière. La responsable de la communication interne, une femme agréable, qui aimait ce qu’elle faisait et aimait les personnes pour qui elle le faisait, souhaitait une soirée des vœux chic mais sans ostentation. L’année avait été bonne, les collaborateurs et les collaboratrices méritaient ce moment de plaisir. D’autre part, la compagnie venait de nommer un nouveau président pour la zone. C’était l’occasion pour lui de se présenter et de livrer sa vision pour la compagnie.

Nous avions choisi le Pavillon Royal et, à l’époque, c’était Butard Énescot qui détenait la concession. Les deux-cents invités semblaient ravis de se retrouver autour d’un buffet de qualité et d’une coupe de champagne. Je ne me souviens plus des animations que nous avions retenues, je ne me souviens plus du groupe qui avait assuré la partie musicale, je n’ai aucun souvenir du DJ mais l’ambiance feutrée qui régnait dans les salons ne s’est jamais effacée.

Le champagne coulait à flot, c’était bien avant qu’il y ait une prise de conscience collective autour des problématiques de l’alcool lors de soirées corporate. Le président semblait ravi, le directeur de la communication semblait ravi, la responsable de la communication interne semblait ravie. Et le champagne coulait à flot. L’ambiance lumière changea du tout au tout quand le DJ lança la soirée dansante. Une heure, deux heures peut-être passèrent tandis que le champagne coulait toujours à flot. Les gens s’amusaient et je me souviens que le directeur associé de l’agence était lui aussi ravi. Un grand sourire enthousiaste. « La cliente est ravie » me disait-il régulièrement, chaque fois que nos chemins se croisaient. La responsable de la communication interne était ravie. Elle dansait. Elle parlait à ses invités. Elle riait avec ses invités et venait nous demander si tout allait bien aussi régulièrement que les collaboratrices et les collaborateurs le lui permettaient.

Et puis, à un moment, il y eut une bousculade au centre de la piste de danse. Des corps tanguaient, des invectives fusaient sans aucune voyelle. Je vis un col se déformer, un poing quitter le périmètre du raisonnable, une main s’aplatir toute entière sur le nez d’un homme qui recula de quelques pas en laissant échapper le contenu de son verre de vin sur la robe d’une femme.

Deux hommes se battaient. Je ne rêvais pas. Comment était-ce possible alors qu’un président se trouvait dans la salle ? Était-ce une situation normale lors d’une soirée des vœux de multinationale ?

Pour avoir des réponses, j’ai cherché du regard la chef de projet, le directeur de production, le directeur de l’agence. Personne. J’étais seul, à quelques pas de la bagarre.

Je décide d’intervenir. Je me positionne avec fermeté entre les deux hommes qui soufflaient fort, les yeux perdus dans leurs propres orbites. Je leur demande de reprendre leurs esprits immédiatement, je leur crie de se calmer parce que la musique ne s’est pas arrêtée. Mais ils ne m’écoutent pas. Les gens nous regardent sans comprendre. Certains s’arrêtent de danser. Leurs coups tentent de me contourner. Et puis plus rien à part une douleur fulgurante à la pointe du menton.

Je me réveille dans un canapé. Une jeune femme se trouve au-dessus de mon visage et me demande, avec une expression d’inquiétude si je vais bien. Je ne sais quoi lui répondre. C’était la première fois que je me prenais un direct en plein menton sur les lieux de mon travail. La tête me tournait. Je prends un verre d’eau.

La soirée est terminée quand je sors du bureau de prod. La lumière crue m’agresse. « Je suis resté combien de temps dans les vapes ? »

Personne ne m’a répondu et je n’en ai aucun souvenir.

Et je ne sais pas du tout ce que sont devenus les deux gars qui se sont battus comme des chiffonniers, histoire de fêter dignement la nouvelle année.

À suivre...