RÉUSSIR SA RÉALISATION, C’EST AIMER CEUX QUE L’ON FILME AUTANT QUE CEUX POUR LESQUELS ON FILME.

11/13/20234 min read

Je connais Richard depuis un certain nombre d’années. Richard est réalisateur mais il a commencé en tant que cadreur virevoltant, prêt à se précipiter sur tous les tournages pourvu qu’il y prenne du plaisir. Richard a le sens du plan, le sens de la variété et le sens du mouvement, des qualités indispensables pour devenir un bon réalisateur. Et il l’est devenu. Il travaille pour la télévision et réalise des live événementiels pour le grand public et le corporate. Il peut passer d’un défilé de Kanye West à un concert de Vincent Niclo, d’une convention pour une marque automobile à un plateau pour une émission de France Télévision. Il est à l’aise partout parce qu’il a un secret : il aime son job et il aime aussi ceux pour qui il le fait.

En événement, la réalisation live est souvent la dernière roue du carrosse. Quand on élabore un projet, les lignes « plateau caméra » et « réalisateur » ou « réalisatrice » (mais il y a peu de femmes dans ce métier, il faut bien le reconnaître) ne sont jamais des priorités. A tort, selon moi, car c’est une part importante de ce qui va se jouer en live, une part importante de l’impact du spectacle ou de la plénière sur le public. Je parle de jauges importantes, bien entendu.

J’ai créé et réalisé un certain nombre d’événements et, à un moment donné, quand vous êtes perfectionniste, que vous vous attachez à chaque détail, vous vous glissez dans la peau des gens en vous disant : de quelle manière je vais réussir à capter et retenir l’attention du public, ce qui est le premier objectif, me semble-t-il, d’un événement, qu’il soit corporate ou grand public ? Nous travaillons sur les intervenants, nous sommes sûrs des artistes, mais un public nombreux nous impose de nous poser la question de ce qui se passe dans les écrans de rappel. Si ça ne bouge pas, le public s’ennuie. Point.

Richard et moi partageons la même philosophie : Si on peut dégager du budget pour des caméras mobiles ou une grue, on le fait, si on peut garnir son plateau caméra, on le fait, même si le ou la directrice de production râle. « Il y a souvent de petits conflits entre la production et les réalisateurs, que l’on couvre un grand concert ou un événement corpo. C’est la lutte du portefeuille contre l’émotion, dit Richard. » Et il ajoute : « Ce n’est pas le nombre de caméras qui compte, mais ça joue, forcément. C’est pour cela que l’enjeu numéro un, c’est de trouver le bon équilibre pour satisfaire tout le monde. Mais il faut être honnête : même les meilleurs réalisateurs live ne peuvent rien faire avec une seule caméra. » Et il ajoute : « La règle, c’est de ne pas faire d’économie sur ce qui se voit à l’image. Il faut bien avoir en tête que le public est difficile, de plus en plus difficile à satisfaire. » Le trait est grossi mais je comprends totalement le message.

Dans l’idéal, je consulterais systématiquement un professionnel pour définir le dispositif à mettre dans la salle et les techniciens à retenir si nous avions davantage de temps pour répondre aux appels d’offre. Et je dépenserais un peu plus d’argent pour engager un réalisateur aguerri, quelqu’un d’expérience.

Mais l’expérience ne suffit pas. Comme dans tous les métiers, il faut également du talent.

« La technique c’est une chose, dit Richard, mais il y a aussi la sensibilité, la manière dont on va mettre les artistes ou les intervenants en image. Passer d’une caméra à l’autre, donner les ordres aux cadreurs pour déterminer le mouvement, ça dépend du matériel, ok, mais ça dépend aussi de ce que tu ressens et de ce que tu comprends des situations que tu as sous les yeux. Chaque réalisateur a sa patte, sa manière de faire, ses marottes techniques qui vont traduire ce qu’il veut réellement transmettre au public. »

C’est vrai. Même sans être un professionnel, je saurais reconnaître la manière de Gérard Pullicino, le réalisateur de Taratata, puisqu’il me le cite en exemple. Les grandes arabesques majestueuses de ses caméras restent de grands moments de direct.

A la fin, quand nous passons au café, je lui demande s’il préfère la télé ou l’événement. Il me répond que ce n’est pas vraiment le sujet. La télévision et l’événement sont deux exercices différents. Ce qui compte, c’est que le public ne soit pas déçu.

Tout-à-fait d’accord.

Laurent Desjars